Parler de santé des femmes, c’est parler de quoi ?
Des maladies passées sous silence
D’une part, c’est aborder les problématiques de santé rencontrées spécifiquement par les femmes, celles qui concernent les organes reproducteurs féminins ou la grossesse… Si certaines maladies comme le cancer du sein (qui rappelons-le, peut toucher également les hommes) sont depuis longtemps largement abordées et font l’objet de campagnes de prévention et/ou dépistage organisé, on ne peut pas en dire de même pour toutes. Depuis peu et grâce à l’action de longue date de collectifs et d’associations, l’endométriose devient un véritable sujet. Mais les dernières données chiffrées disponibles estiment à 7 ans la durée moyenne entre les premiers symptômes et la pose d’un diagnostic. Pendant longtemps, les douleurs des femmes concernées ont été sous-estimées et attribuées au « syndrome prémenstruel ».
Des symptômes féminins « atypiques »
D’autre part, parler de la santé des femmes, c’est aborder les problématiques de santé qui touchent simplement tous les êtres humains. Les maladies cardiovasculaires sont encore largement associées à l’homme dans l’inconscient collectif. Pourtant, l’infarctus du myocarde est la 1re cause de décès chez les femmes, suivi par l’AVC. Sur les 147 000 personnes qui décèdent chaque année en France d’une maladie cardiovasculaire, 54 % sont des femmes.
Connaissez-vous les signes annonciateurs d’un infarctus ? Une douleur dans la poitrine et le bras gauche ? Des douleurs thoraciques ? Ces signes sont les symptômes « typiques » rencontrés lors d’un infarctus du myocarde. En réalité, ce sont surtout les symptômes rencontrés par les hommes. Les femmes peuvent également présenter ces symptômes, mais il est courant que l’infarctus se manifeste chez elles sous d’autres formes : par une sensation d’épuisement, un essoufflement à l’effort, une douleur aigue dans le haut du dos, des palpitations ou encore des symptômes digestifs récurrents (nausées, gène ou brûlure épigastrique). La méconnaissance de ces symptômes entraîne pour les femmes un retard d’appel au 15, un retard de diagnostic et de prise en charge. En moyenne, lorsqu’une femme se sent mal et présente un symptôme d’infarctus, son entourage met 1h de plus avant d’appeler le 15 que lorsqu’il s’agit d’un homme.
Des traitements non adaptés
En ce qui concerne les prises en charge et les traitements médicamenteux, les inégalités sont de mise également. Les femmes ont longtemps été, et sont encore parfois exclues de bon nombre d’essais cliniques. On trouve plusieurs raisons à cela : d’abord pour prévenir les risques potentiels sur de futurs enfants. Pour garantir leur sécurité, il faut mettre en place certaines mesures de protection (des tests de grossesse réguliers par exemple). Ensuite, les fluctuations hormonales du cycle féminin compliquent l’interprétation des résultats. Il est donc globalement plus coûteux d’inclure des femmes dans les essais cliniques. Ainsi, beaucoup de chercheurs choisissent de réaliser leurs essais sur des hommes, en supposant que les résultats seront applicables de la même manière aux femmes.
Pourtant, on sait aujourd’hui que les différences entre hommes et femmes en ce qui concerne les hormones, la répartition de la masse graisseuse, ou encore la composition des os a une influence sur le métabolisme. Certaines maladies peuvent donc se manifester différemment, et certains médicaments peuvent avoir des effets différents et/ou plus importants sur les femmes. Le Zolpidem (Ambien aux Etats-Unis), en est un exemple parfait. Ce somnifère commercialisé depuis 1992 a fait parler de lui en 2013. Cette année-là, une étude réalisée aux Etats-Unis a révélé que la métabolisation du médicament était différente entre les hommes et les femmes. Chez les femmes, le lendemain de la prise, la concentration dans le sang était presque deux fois supérieure à celle des hommes. Résultat : de nombreux effets secondaires puissants ont été rapportés chez les femmes, notamment un état second, et une altération de la motricité semblable à celle d’un état alcoolique, qui persistaient le lendemain. Suite à ces révélations, l’Agence américaine du médicament imposa aux fabricants de ces somnifères de réduire la posologie recommandée de moitié pour les femmes.
Si aujourd’hui et notamment en Europe des réglementations existent pour assurer une représentation des femmes dans la conduite des essais cliniques, il reste du chemin à parcourir et peu d’informations sur le sujet sont disponibles.
Et maintenant ?
Il reste beaucoup à faire pour garantir une prise en charge satisfaisante pour toutes, mais de nombreuses voix s’élèvent pour informer et faire avancer la question. Pour ce qui est de la France, le fonds de dotation « Agir pour le Cœur des femmes » par exemple, créé en 2020, se donne pour priorités d’alerter, d’accompagner et d’agir pour améliorer la prise en charge des femmes dans le domaine des maladies cardiovasculaires.
En décembre 2020, le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes a remis son rapport « Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner » contenant 40 recommandations afin de remédier à ces inégalités persistantes. Des évolutions attendues dont nous sortirions assurément toutes et tous gagnant·es.
Sources :
– Le sexe de la santé, Alyson McGregor, préface de Muriel Salle, éditions Erès, 2021
– Les femmes, les grandes oubliées de la recherche ? La Presse (Canada)
– Une progression alarmante de l’infarctus chez les femmes, Fonds Agir pour le Cœur des Femmes
– Infarctus : les femmes sont moins bien diagnostiquées que les hommes, Interview du Pr Claire Mounier-Véhier, cardiologue et cofondatrice du Fonds Agir pour le Cœur des Femmes